de tous les chemins sauvages

Ces deux dernières années, je me suis un peu lassée de photographier l’humain. 
Il me semblait que je ne le faisais plus avec autant de sincérité, ou alors que je me répétais. 

Et lors de mes errances solitaires, je partais vers des mondes de plus en plus isolés. 
J’ai déserté les grandes villes pour me perdre loin dans des terres sauvages,
où seuls quelques hommes avaient vécu et où il n’en restait presque plus. 

C’est l’éternel paradoxe de l’urbain. 
Attiré par le bruit et la lumière dont il sait pourtant qu’ils finiront par l’épuiser. 
mais se prenant à rêver parfois de la fraicheur d’un sous-bois, d’un désert ou d’une nuit étoilée, 
pensant qu’elles lui offriront la paix qu’il espère tant. 

Je ne sais pas s’il existe encore en ce monde un endroit où l’homme n’a jamais mis les pieds. 
Mais il en existe beaucoup où l’homme a souffert des siècles durant pour s’y faire une maigre place. 
Curieusement, ce sont ces lieux que certains comme moi choisissent pour y trouver le repos. 

L’exercice de la contemplation est peut être plus aisé en plein coeur de cette nature sauvage.
Mais il a un certain prix. Celui de la peine et de l’isolement. 

Malgré tout, et même dans les coins les plus isolés, si l’on y regarde bien, 
on trouve toujours la trace de ceux qui nous ont précédés: une ruine, une flèche sommairement tracée sur un rocher, 
un vieux morceau de tissu flottant sur sa branche. 

On leur prête alors toutes sortes d’histoires, et leur présence fugace nous rassure. 

APPRENTISSAGE DE LA PATIENCE

Enfant, je n’aimais pas vraiment la montagne. 
Ou plutôt je n’aimais pas vraiment la marche. 
Je rechignais, je traînais les pieds. 
Mais mes parents avaient une passion pour les Pyrénées et nous y passions quasiment tous nos étés. C’était ainsi. 

Ce n’est que bien plus tard que je retournais en montagne, 
de ma propre initiative, et que je me laissais prendre au jeu de ces lentes ascensions où il fallait cent fois maudire le ciel de n’offrir qu’un lit de roches sèches et un vent
à décorner les bœufs. 

Mais je trouvais, au creux de ces sommets arides, 
au bord de ces lacs désolés, un repos que je ne connu
nul part ailleurs. 

Lorsque je m’aventure là haut, me vient une forme d’abandon, et je peux enfin respirer librement, même quand l’air vient à manquer.

comptinE à l’ombre d’un arbre

Rien ne remplace l’odeur de la forêt. 
Un sentier au fond des bois, une tente plantée en hâte, 
à la tombée de la nuit. 

Une petite cabine perchée dans les arbres,
Sur laquelle on s’endort volontiers, bercé par le mouvement 
des troncs pliés par le vent.

Entre deux marches d’été dans des prairies brulées,
La fraicheur du feuillage est salvatrice.
On somnole à l’ombre d’un arbre. 

à combien de visiteurs abattus ont-ils prêté une épaule rassurante? 

loin de moi
le soleil

Dans le désert, ce qui me frappa le plus ne fut pas tant la chaleur, que la lumière. Franche et cruelle, transformant l’horizon en une masse molle et sans contours. 

Je n’y vis pas une seule fois les nuances bleutées du grand nord ou ces roses flamboyants des côtes tropicales. 
Il me semblait que l’on passait sans cesse du jour à la nuit, l’embrasement des dunes au coucher du soleil
ne durant qu’un instant.

L’évidence aurait été de dire: il faut montrer tout ce jaune, ces orangés, le contraste des dunes sur ce ciel pâle.
Mais l’expérience physique que je fis du désert me donna une toute autre impression. 

J’y vécu des jours austères, arides, où la vie, comme les couleurs, furent à peine visibles à mon œil inexpérimenté.

Et c’est ainsi que, bien qu’ayant capturé nombre d’images
en couleur, je ne gardais que celles en noir et blanc. 

Ou peut être n’est ce simplement qu’une question d’habitude. 

flottements

Lorsque d’aventure, l’on se trouve pris dans
le tourbillon d’une vague,
on dit souvent qu’il faut s’y laisser prendre. 
être emporté avant de reprendre ses esprits,
et la nage vers de plus rassurants horizons. 

un ami me disait qu’il trouvait
au creux de l’océan sa méditation.
dans la danse perpétuelle des courants,
le calme éternel des eaux qui le porteront
il ne sait où, il ne sait quand.

de nature, j’aurais plutôt tendance à
m’élancer à contre-courant,
à vouloir nager vers un but à tout prix.

j’imagine que chaque voyage
m’apprend à reconsidérer cette idée
pour simplement me laisser flotter.

LES CHEMINS
QUE L’ON NE POURRA EXPLORER

De la jungle ou de la taiga je n’ai rien vu, 
Du désert et des steppes, qu’une infime portion,
Et il ne me reste du grand nord que des souvenirs éparses. 

De mon propre pays, et de ses recoins sauvages, 
je ne connais presque rien. 
ll faudrait peut être y consacrer des années
et un livre entier. 

Il serait tentant de se précipiter ici et là,
pour aller y trouver de nouvelles images à coller
sur son mur comme des cartes postales.
Mais il me semble que je m’y perdrais, 
à force d’exotisme sans substance. 

Non, je crois qu’il me faut à l’avenir,
retourner encore et toujours sur ces terres déjà vues, 
qui me marquèrent profondément et qui, 
image après image, me révéleront peut être
leur véritable nature.  

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